Rencontre Houzz : Inga Sempé, designer pour de bonnes raisons
“Pas de pollution, des objets qui durent et qui soient réparables !”
D’une jeunesse désarmante, la voix d’Inga Sempé ferait presque oublier vingt années de carrière en tant que designer et une réputation assumée de chef de file du design contemporain. Si elle a longtemps démarché les entreprises, ce sont aujourd’hui les sociétés françaises, japonaises, italiennes ou scandinaves qui se bousculent pour chercher sa signature – l’une de celles qui comptent pour le design du XXIᵉ siècle. Minimaliste, simple et concis, le style d’Inga Sempé se concentre sur l’essentiel. Un sens de l’épure étonnamment fertile puisque la designer a d’ores et déjà signé et édité près d’une centaine d’objets.
Pourquoi s’être mise au service du design ? Quelles leçons tirer de son expérience ? Comment appréhender le design de demain ? Rencontre à cœur ouvert avec une virtuose du design.
Pourquoi s’être mise au service du design ? Quelles leçons tirer de son expérience ? Comment appréhender le design de demain ? Rencontre à cœur ouvert avec une virtuose du design.
Des études aux rangements Brosse
Si l’on dit à Inga que l’Ensci est considérée comme la meilleure école de design de France, elle vous répond : « Oui, de France. » Et d’expliquer qu’elle a filé compléter sa formation en Italie, la grande patrie du design, de 2000 à 2001 en tant que pensionnaire de la Villa Médicis, l’Académie de France à Rome.
« Contrairement à la France, où il y en a peu et de grosses tailles, les sociétés italiennes sont nombreuses, familiales et accessibles. Il est donc beaucoup plus aisé d’établir un véritable dialogue avec les industriels italiens. Un échange indispensable puisqu’il est à la base du process créatif », explique-t-elle.
Durant ses années d’apprentissage, Inga peaufine le côté technique qui lui faisait défaut. « Une culture technique est indispensable à un designer », insiste-t-elle. « Sinon, les autres transforment votre objet ! »
Si l’on dit à Inga que l’Ensci est considérée comme la meilleure école de design de France, elle vous répond : « Oui, de France. » Et d’expliquer qu’elle a filé compléter sa formation en Italie, la grande patrie du design, de 2000 à 2001 en tant que pensionnaire de la Villa Médicis, l’Académie de France à Rome.
« Contrairement à la France, où il y en a peu et de grosses tailles, les sociétés italiennes sont nombreuses, familiales et accessibles. Il est donc beaucoup plus aisé d’établir un véritable dialogue avec les industriels italiens. Un échange indispensable puisqu’il est à la base du process créatif », explique-t-elle.
Durant ses années d’apprentissage, Inga peaufine le côté technique qui lui faisait défaut. « Une culture technique est indispensable à un designer », insiste-t-elle. « Sinon, les autres transforment votre objet ! »
À partir de 2000, Inga travaille en tant qu’indépendante, soutenue par le VIA qui l’a aidée à financer ses premiers prototypes et à les exposer sur le salon Maison&Objet dans l’attente qu’une entreprise les sélectionne. « Ou pas, le plus souvent », déplore Inga. Mais la chance sourit à la jeune designer. Ou plutôt, son obstination paie, puisqu’elle propose à Edra ses étagères Brosse, des modules de rangement recouverts de longues fibres industrielles où l’on accède en plongeant le bras à travers l’enveloppe chevelue (photo). Le célèbre éditeur italien, coutumier des éditions un peu loufoques, accélère sa carrière en 2002.
À la recherche d’un design utile et beau
L’humour accompagne-t-il toujours Inga dans ses créations ? Sa lampe Vapeur, à mi-chemin entre la toque d’un chef cuisinier et les lampions de Raiponce, le laisserait penser. « On dit de moi que je suis rigolote mais je déteste les objets drôles », répond-elle à brûle-pourpoint. « Ma philosophie du design n’a jamais changé : je cherche depuis toujours à faire des objets adaptés à un usage précis et forts d’une qualité esthétique et d’une fabrication impeccable. »
Inlassablement, elle conçoit au fil des années des lampes et horloges, canapés et étagères, explore les arts de la table, le textile et même le carrelage : « Tout dépend de ce que l’on me demande », justifie-t-elle modestement.
L’humour accompagne-t-il toujours Inga dans ses créations ? Sa lampe Vapeur, à mi-chemin entre la toque d’un chef cuisinier et les lampions de Raiponce, le laisserait penser. « On dit de moi que je suis rigolote mais je déteste les objets drôles », répond-elle à brûle-pourpoint. « Ma philosophie du design n’a jamais changé : je cherche depuis toujours à faire des objets adaptés à un usage précis et forts d’une qualité esthétique et d’une fabrication impeccable. »
Inlassablement, elle conçoit au fil des années des lampes et horloges, canapés et étagères, explore les arts de la table, le textile et même le carrelage : « Tout dépend de ce que l’on me demande », justifie-t-elle modestement.
Un processus long et difficile
A-t-elle des préférences ? « Je préfère les petits objets au mobilier », confie Inga. « J’aime aussi concevoir des textiles, parce qu’il est beaucoup plus reposant de travailler en 2D que de concevoir un meuble en 3D. Et puis j’adore créer des motifs, géométriques par exemple, comme ceux que je viens de dessiner pour Alcantara [photo]. »
A-t-elle des préférences ? « Je préfère les petits objets au mobilier », confie Inga. « J’aime aussi concevoir des textiles, parce qu’il est beaucoup plus reposant de travailler en 2D que de concevoir un meuble en 3D. Et puis j’adore créer des motifs, géométriques par exemple, comme ceux que je viens de dessiner pour Alcantara [photo]. »
Pourtant, le canapé Ruché de Ligne Roset est sans doute son œuvre la plus connue du grand public. Cette banquette confortable aux lignes évidentes lui a donné du fil à retordre pendant plus d’un an et demi. « Lorsque l’on travaille en 3D, cela multiplie les problèmes par trois, au moins. À la différence du textile imprimé, il y a de nombreux paramètres techniques à prendre en compte : fixations, visserie, jonctions… Refaire une pièce revient à repenser toute la structure », explique-t-elle. « Les canapés, c’est ce qu’il y a de plus compliqué, je déteste les faire ! Quand j’ai commencé ce canapé Ruché, j’ai même eu envie de tout arrêter. » Pour faire un autre métier ? « Oh oui ! », répond-elle sans hésiter. Lequel ? « Écrire des scénarios », murmure-t-elle après quelques secondes de réflexion.
Du nom des choses
Inga a aussi de bons souvenirs de création, à l’instar de la lampe Île pour Wästberg (2015) : « Je l’ai dessinée très vite et sa production a été beaucoup plus rapide que de coutume. »
Et quand on lui demande ce qu’évoque le nom de cet accessoire déco, elle explique : « Cette lampe était pour moi comme un petit îlot que l’on peut déplacer ici et là avec sa pince. Je tiens à nommer moi-même mes objets car les industriels adorent donner des noms anglais idiots ou qui n’évoquent rien. »
Inga a aussi de bons souvenirs de création, à l’instar de la lampe Île pour Wästberg (2015) : « Je l’ai dessinée très vite et sa production a été beaucoup plus rapide que de coutume. »
Et quand on lui demande ce qu’évoque le nom de cet accessoire déco, elle explique : « Cette lampe était pour moi comme un petit îlot que l’on peut déplacer ici et là avec sa pince. Je tiens à nommer moi-même mes objets car les industriels adorent donner des noms anglais idiots ou qui n’évoquent rien. »
Nous ne résistons pas à lui demander pourquoi l’un de ses plaids édité par le Norvégien Røros s’est trouvé nommé Agnès : « Avec mon assistante, nous faisions à l’époque beaucoup de motifs et leur donnions à chacun le nom d’une de ses tantes. Il s’est trouvé que le plaid Agnès a été difficile à réaliser et à tisser, tout comme la tante avait plutôt mauvais caractère ! », confie-t-elle.
Les bonnes raisons du design
Si l’humour n’est jamais bien loin chez Inga, elle devient très sérieuse au moment d’évoquer les raisons qui la poussent à créer tel ou tel objet. « De bonnes raisons ! », affirme-t-elle, avant de se confier : « Je crée des objets parce que j’ai vraiment envie de les faire et qu’ils suscitent une vraie discussion. Faire un objet est difficile, poussif même ! Il faut choisir la bonne entreprise pour avancer sur le projet car il y a de multiples étapes, de nombreuses personnes à rencontrer pour des problèmes techniques, des impératifs commerciaux… mille choses auxquelles vous n’auriez pas pensé. J’aime collaborer avec quelqu’un qui le comprend, qui comprend les étapes de la création, qui sait ce que cela veut dire. Si une entreprise me dit vouloir faire un objet parce que c’est “sympa et contemporain”, je tourne les talons ! »
Et quelles sont donc les bonnes raisons qu’Inga a l’intention d’imposer au XXIᵉ siècle en matière de design ? « Pas de pollution, des objets qui durent et qui soient réparables ! »
Si l’humour n’est jamais bien loin chez Inga, elle devient très sérieuse au moment d’évoquer les raisons qui la poussent à créer tel ou tel objet. « De bonnes raisons ! », affirme-t-elle, avant de se confier : « Je crée des objets parce que j’ai vraiment envie de les faire et qu’ils suscitent une vraie discussion. Faire un objet est difficile, poussif même ! Il faut choisir la bonne entreprise pour avancer sur le projet car il y a de multiples étapes, de nombreuses personnes à rencontrer pour des problèmes techniques, des impératifs commerciaux… mille choses auxquelles vous n’auriez pas pensé. J’aime collaborer avec quelqu’un qui le comprend, qui comprend les étapes de la création, qui sait ce que cela veut dire. Si une entreprise me dit vouloir faire un objet parce que c’est “sympa et contemporain”, je tourne les talons ! »
Et quelles sont donc les bonnes raisons qu’Inga a l’intention d’imposer au XXIᵉ siècle en matière de design ? « Pas de pollution, des objets qui durent et qui soient réparables ! »
Et lorsqu’on lui demande quels sont ses meilleurs conseils pour les jeunes qui voudraient se lancer dans le métier de designer, elle insiste sur le fait que « le plus important, c’est la patience. Dans la vie de tous les jours, j’en suis totalement dépourvue, mais dans mon travail, j’en ai énormément car j’ai compris que je n’avais pas le choix ». Autre précieux conseil : « Avoir en tête que c’est un métier à la fois artistique et technique. »
Aujourd’hui et demain
L’actualité d’Inga est riche. Pour la session de Maison&Objet 2017, la designer expose son nouveau tissu d’ameublement pour Alcantara, marque spécialisée dans un tissu qu’elle décrit comme « une sorte de daim synthétique totalement intachable ». Avec Ligne Roset, elle sort une version du canapé Moel enrichie d’un nouveau matelassage. « Un canapé doit être confortable avant toute chose, surtout au prix que ça coûte ! », glisse-t-elle.
Canapé Moel pour Ligne Roset 2007, nouvelle version en 2017
L’actualité d’Inga est riche. Pour la session de Maison&Objet 2017, la designer expose son nouveau tissu d’ameublement pour Alcantara, marque spécialisée dans un tissu qu’elle décrit comme « une sorte de daim synthétique totalement intachable ». Avec Ligne Roset, elle sort une version du canapé Moel enrichie d’un nouveau matelassage. « Un canapé doit être confortable avant toute chose, surtout au prix que ça coûte ! », glisse-t-elle.
Canapé Moel pour Ligne Roset 2007, nouvelle version en 2017
Elle qui avait encore peu exploré le verre, hormis une bouteille de Cognac signée pour Hennessy, a également réalisé un ensemble de verres et carafes pour la petite société turque Nude : « C’est tout l’intérêt d’être designer freelance : on est souvent confrontés à de nouvelles techniques, on apprend sans cesse. »
Quant aux objets sur lesquels Inga rêverait de plancher, la designer ajoute « les poêles à bois et les instruments d’écriture » à sa liste. Avis aux éditeurs qui partagent les « bonnes raisons » d’Inga !
Quant aux objets sur lesquels Inga rêverait de plancher, la designer ajoute « les poêles à bois et les instruments d’écriture » à sa liste. Avis aux éditeurs qui partagent les « bonnes raisons » d’Inga !
ET VOUS ?
Que pensez-vous du parcours et des créations d’Inga Sempé ?
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Enfant, Inga s’intéressait déjà aux objets, qu’elle fabriquait avec du papier, des allumettes ou de l’argile, et contemplait avec fascination « le seul objet contemporain qui était à la maison » : la lampe Eclisse de Vico Magistretti, éditée chez Artemide (ici à droite).
Rêvait-elle déjà d’être designer ? « Je ne connaissais même pas ce métier. Adolescente, je m’intéressais au packaging en croyant que cela s’appelait du marketing, c’est dire si j’en étais loin », confie Inga.
Au détour d’une émission de télévision, elle découvre l’Ensci (École nationale supérieure de création industrielle à Paris), s’y inscrit un an plus tard et en sort diplômée en 1993. Une expérience nécessaire mais dont elle ne garde pas un bon souvenir : « L’enseignement y était très soixante-huitard, moralisateur. Hormis le professeur et designer Marc Berthier, qui m’a toujours soutenue, les autres professeurs ne m’intéressaient pas. »